Entretien avec Emile Clerc

J’ai eu le plaisir lundi de rencontrer Émile Clerc, qui a été propriétaire de Silver Wings de 1966 à 1976, et qui en connait bien l’histoire.

« Le bateau est arrivé par train en gare d’Évian en 1938, sur un ber en bois (le même bois que celui utilisé pour sa construction). Il avait été acheté aux chantiers Luders par la famille Gould, qui possédait une propriété à Évian (à Maxilly-sur-Léman), ainsi que 2 canots automobiles « Sagittaire » et « Scorpion ».

Pendant la Guerre, le bateau a été mis au sec au chantier Excelsior (anciennement chantier Celle) à Amphion, et le lest en plomb fut réquisitionné et fondu pour une utilisation moins maritime …

Au sortir de la guerre, M. Tournus, industriel Lyonnais dans la pharmacie, rachète Silver Wings et les 2 canots, Il demande à Fernand Raymond (de Lugin, qui qui a racheté le chantier en 1942) de fondre un nouveau lest selon les plans que M. Raymond a acheté aux États Unis et qu’il conserve jalousement. Selon Émile Clerc, Le lest, fait avec du plomb de récupération, n’est pas très beau, « un peu boursoufflé ».

Puis Monsieur Tournus cède Silver Wings en 1958 à Gustave Fabre.

M. Fabre navigue intensément, et effectue quelques aménagements qui améliorent le confort du bateau.

  • Pose d’un capot coulissant sur le roof,
  • Agrandissement des hublots,
  • Pose d’un « trou d’homme » sur la plage avant,

Le bateau subit un accident au mouillage qui l’a fait talonner. Il est réparé à Corsier Port où les galbords sont refaits. Le bateau continuera à faire de l’eau à la gite, la rigidité de la structure étant insuffisante (liaison coque-quille).

En 1966, Émile Clerc achète Silver Wings pour 3 500 Francs. Émile nous confie 2 anecdotes :

  • Lorsqu’il a acheté le bateau, le chantier de Corsier Port lui a demandé de ramener le bateau pour effectuer les formalités douanières qui n’avaient pas été faites à la sortie du chantier suisse …
  • Émile a « tapé » l’avant tribord sur un enrochement …  Il en a pleuré.

A l’époque, le bateau a un mat bois, rectangulaire. Seule la bôme ronde, en bois, subsiste du gréement d’origine.

Émile revend Silver Wings en 1976 à Guy Duchêne, d’Yvoires, pour 12 000 Francs, qui le gardera quelques années avant de le céder à Alain Rivola, de Chens-sur-Léman.

Quelques varangues et membrures, au centre du bateau, sont refaites par Daniel Floquet, célèbre constructeur thononais de bateaux (Snipes, canots ou péniches) et fabricant d’avirons de réputation mondiale.

Bertrand Keller rachète le bateau en 1990, l’équipe d’un mat en aluminium et fait réaliser des voiles chez Fragnières (CH-Negroz). Au début des années 2000, il a le projet de transformer le plan de pont en « flush deck » : Tous les équipements intérieur sont démontés, le roof est supprimé. Remercions Gillou Guillon d’avoir conservé le roof comme ornement dans son salon !

Bertrand abandonne finalement son projet lorsqu’il fait l’acquisition du 6m JI « Midinette », et le Luders attend une meilleure fortune sous la terrasse de sa villa … jusqu’en février 2013, où il rejoint l’AVAL, et la promesse d’une remise à l’eau !

6 commentaires

  1. Pour compléter l’histoire toute particulière de ce voilier, je vous précise que ce canot a été acheté par Gustave FABRE en 1958 dans un état parfait.
    En effet, ramené par la famille GOULD juste avant la guerre, il était resté sous bâche jusqu’à ce qu’il soit mis en vente. Les voiles en coton (qualité d’avant guerre) n’avaient jamais été déballées.
    La coque en épicéa très chargé en résine était peinte en blanc. Le pont a été repris pour lui assurer un minimum d’étanchéité.
    Pendant plusieurs années il a participé aux régates qui étaient organisées autour du lac. Seul dans sa catégorie, il gagnait facilement ses coupes.
    Son entretien était assuré par Corsier Port.
    Nous avons des souvenirs de croisières de plusieurs jours autour du lac et nous avons résisté à la tornade mémorable de l’été 58 ou 59 sans aucun dommage.
    La famille se dispersant, le canot a été cédé à Emile.

    • Bonjour Bernard et merci beaucoup pour votre témoignage !
      Auriez-vous conservé des photos de Silver Wings, tant en navigation que ses aménagements ? En effet, nous ne disposons pas des plans d’origine, et comme tout l’intérieur est à reconstruire je serais reconnaissant de pouvoir me guider sur les photos du bateau.
      Au plaisir de vous lire !

  2. Bonjour à vous,
    Je suis en vacances et n’ai pas de scaner pour enregistrer des photos.
    Comme tous les voiliers de cette époque et de cette taille, les aménagements étaient spatiates.
    Pour nous, adolescents de 20 ans, naviguer sur Silver Wings était un grand bonheur.
    En effet, notre autre voilier était un 12 m² du Havre. Coque en forme en acajou de 6,50 mètres qui nécessitait chaque année un gros travail de ponçage et de vernis avant de prévoir sa mise à l’eau. Pas question de faire appel au chantier DAUVET qui était notre voisin. Nous devions savoir entretenir notre canot.
    Alors que le Silver Wings avait une peinture blanche qui semblait « éternelle. Corsier nous avait fourni un génois taillé dans de la toile de spi (un peu léger).
    Ce que je peux vous dire c’est que le mât qui était en spruce était très fin en tête et que dès que le vent montait la courbure de la tête de mât nous obligeait à rouler de la voile.
    De plus, à la gîte, le bordée avait tendance à s’ouvrir et on faisait un peu d’eau dès que l’on faisait un bord de près. Je pense que les cadènes n’étaient pas assez longues.
    A bientôt pour des photos.

    • Je serai très heureux de recevoir des photos, et avec votre autorisation je les publierai sur le site.
      Le mat en spruce a disparu, et a été remplacé par un gréement en alu, sans aucun doute moins esthétique. Je pense bien, un jour, recréer le gréement d’origine en bois …
      Selon Émile Clerc, les entrées d’eau à la gite seraient dues à une réparation hâtive (pour ne pas dire bâclée) du galbord et des membrures, suite à un talonnage du bateau : de fait, la rigidité structurelle des fonds semble bien modeste, au vu des efforts que doit supporter la structure à des angles de gites que la littérature décrit comme « très importants ». Pour preuve : le fond du bateau a été « noyé » dans une sorte de résine qui a sans doute pour double vocation de rigidifier la coque et limiter les entrées d’eau.
      Avez-vous souvenir de cet accident et des réparations entreprises par Corsier-Port ?

  3. J’ai engagé les formalités d’immatriculation à Sète, ce qui m’a permis d’entrer en contact avec une dame charmante du bureau de la Navigation de Thonon. QU’elle en soit ici remerciée.
    Elle complète mes informations sur les propriétaires successifs, ainsi que me l’avait suggéré Bernard Fabre.
    En 1962 (date de la première immatriculation à Thonon, selon leurs fichiers), SIlver Wings appartient à Gustave Fabre qui réside au Maroc.
    Le transfert de propriété à Alain Rivola, de Chens, date de 1979.
    Très surprenant : alors que la carte de navigation indique que les dimensions du bateau sont : 8 m x 1,80 m (ce qui est à peu près correct), le bateau est enregistré à Thonon pour une longueur de 7 m x 2,30 m …

  4. Précisions apportées par Jean-François et Paul :
    – En 1938, Jay Gould, propréitaire de Silver Wing (sans « s »), a été élu au Conseil d’Administration du club de voile de Thonon, sur proposition de Paul Vignet, président et propriétaire du 6.5 SI « Ara ». Silver Wing a courru en 1938, mais « Les résultats en régate de Silver Wings sont par contre très décevants (plusieurs places de dernier en catégorie « Cruisers » et abandons sur la saison 1938) »,
    – Dans l’annuaire de La Nautique en 1946, le propriétaire indiqué est toujours Jay Gould,
    – Dans « l’Annuaire du Yachting 1947 », à la page « Société Nautique du Léman Français » Thonon, la mention de : Gould-Jay, le Petit Manoir, Maxilly, Silver Wing, Cruiser.

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